Rencontre musclée

Une vague de fatigue s’était abattue sur moi après que j’eus utilisée mon pouvoir. Je savais que je récupérerais mieux en dormant ou en mangeant mais partir à ce moment aurait été mal vu et, en plus, je ne voulais pas partir. Je me contentai donc de bailler et de poser une question, encore. Je croyais que ça allait finir par l’embêter mais il semblait prendre plaisir à répondre à mes questions. Qu’elles soient stupides ou pertinentes, indiscrètes ou non, il y répondait toujours. C’était bien et comme ça, j’en apprenais plus sur lui. Avec un vécu comme le sien, il avait réponse à toutes mes questions. Parfois, c’était lui qui m’en posait. Je répondais de mon mieux, mettant autant d’effort que possible pour que ma réponse soit complète. C’est exactement à cause de ça que là, j’étais fatiguée. J’avais un peu trop forcé la dose. Mais je restais là, les yeux bien ouverts.

« Tu fais quoi pour passer le temps à part discuter avec des filles qui s’immiscent ici pendant que tu t’entraînes ? »

« Eh bien, petite curieuse, si tu veux tout savoir, je vais de ce pas te répondre. D'habitude, j'écris toute la journée, ou alors je terrorise les jeunes filles comme toi. »

Il se mit à rire et je l’imitai. Il était tellement gentil, je ne l’imaginais pas en train de terroriser des gens, encore moins de filles. Je le voyais comme un chien : Doux et gentil, qui chasse pour manger. Je sais bien qu’un chien peut attaquer les gens mais vous comprenez, pas vrai ? Enfin bref, il se remit à parler une fois qu’on se fut calmer, même si un sourire subsistait sur mes lèvres car l’image du gros toutou était toujours dans ma tête.

« En fait, je chasse. Mais c'est plus pour le plaisir de traquer sa proie qu'autre chose. Et puis quand je n'ai pas besoin de nourriture, je relâche l'animal. Je ne suis pas un monstre. »

Là, je le vis perdre sa bonne humeur. Ou plutôt je le sentis. Dans la définition de plusieurs gens, un vampire était un monstre. Mais lui, comme je l’ai dit, c’était plus un chien qu’un monstre. Je passai ma main dans les cheveux en lui souriant puis je la retirai dès que je m’en rendis compte. Un réflexe que j’avais eu pour lui faire comprendre qu’à mes yeux, il n’était pas un monstre.

« Sinon, quand je n'ai plus de devoir de Gardien à effectuer, je me balade la nuit de préférence sous une belle lune. La tranquillité à ce moment-là est splendide. D'ailleurs, je crois qu'il y a une pleine lune ce soir.»

J’imaginais le décor féérique que le clair de lune produisait sur un chemin ou sur un sentier dans les bois. Je me rendis compte qu’il avait autre chose à ajouter mais qu’il hésitait. Il secoua la tête, comme pour chasser l’idée de sa tête. Je me demandais à quoi il pensait. Je me demandais toujours ce que les gens pensaient mais avec lui, c’était encore plus tentant de le savoir. J’ignorais pourquoi et je savais la réponse finirait par me venir. Ou alors je l’espérais fortement. Je ne savais plus ou j’en étais. Quelle galère... Je finis par me reprendre et je lui laissais un moment, au cas où il finirait par parler à nouveau. Quand ce moment fut fini, il n’avait rien ajouté. Ce fut à mon tour de parler.

« Je... J’ai jamais marché à l’extérieur pendant la nuit. »

Une idée m’était venue en tête et je m’empressai tellement de la dire avant qu’elle disparaisse comme les yeux que je m’enfargeai dans mes mots. Le résultat n’était pas fameux mais c’était compréhensible.

« S...si tu veux, on pourrait y...y aller ce soir. Mais s...si tu veux pas, ça m..me dér...dérange pas.»

Je rougis et détournai la tête mais j’ignorais pourquoi. Je ne voyais pas ce que pouvait représenter une marche au clair de lune avec un garçon. Dans mon esprit, c’était comme prendre une marche en plein jour, seule ou accompagnée, ou encore ça pouvait ressembler à notre conversation. Être seulement deux. Avoir su, je ne l’aurais probablement pas dit pour qu’il ne le prenne pas mal mais, comme je l’ignorais, je l’avais dit. Trop tard pour revenir sur mes mots. Je finis par oser un regard vers lui.

« Je peux comprendre que tu veuilles refuser. Comme je me connais, je risque de tomber souvent... »

Je poussai un soupir et repris graduellement ma teinte normale. La gêne passait de plus en plus vite et je m’en étonnais.

Sitôt ma petite tirade terminée, je vis le visage de Naomi se fermer. Pas à cause de ma phrase, enfin presque. Avait-elle lue dans mon esprit, la question que j’avais laissé en suspens ? Voulant lui demander si elle voulait se reposer, je m’apprêtais à lui suggérer lorsqu’elle me surprit en lançant d’un ton peu assuré :

« Je... J’ai jamais marché à l’extérieur pendant la nuit. »

Je me doutais que sa mère ne la laissait jamais sortir en journée, alors dans la nuit sûrement pas. Ce qui est bien dommage car on apprécie l’environnement qui nous entoure. Cette magie qui rend chaque son aussi unique que précieux, et prendre plaisir à s’allonger sous les rayons bienveillants de la Lune. Refusant ma demande, cela me chagrina, et ce qui troublait c’était que c’était sincère, cette émotion.

« S... si tu veux, on pourrait y... y aller ce soir. Mais s... si tu veux pas, ça m… me dér... dérange pas.»

Comment ? Elle acceptait ?! Je me tournai vers elle pour voir si elle était sérieuse. Elle devait l’être car sa rougeur était présente. Mais savait-elle ce que cela représentait une ballade entre elle et moi la nuit. Je ne pense pas, vu qu’elle ne connaissait pas d’autre garçon. Donc elle ne supposait pas.

« Je peux comprendre que tu veuilles refuser. Comme je me connais, je risque de tomber souvent... »

« Au contraire, j’apprécierai beaucoup. Car cela fait un moment que je me suis pas aérer les idées avec quelqu'un. Et je… je t’offrirai mon bras pour que tu ne tombes pas. Je te le promets. Par contre, il faut éviter que cela s‘ébruite sinon… on pourrait penser que… Tu vois quoi ? »

Mon dieu, que suis-je en train de dire ? Ce serait un rendez-vous.

« On pourrait penser à un rendez-vous galant. Et je pourrais comprendre que tu ne veuilles pas que l‘on pense ça.»

J’entendis un bruit à l’entrée mais regardant, je ne vis rien. Un élève ? Possible mais il serait entrer puis se serait excuser et partirait ou pas. À moins qu’il nous écoutait ? Mais non, personne ferait ça. Je me remis à regarder Nao pour savoir si elle acceptait et lui demandait où voudrait-elle aller se balader. Je trouvais que l’air commençait à faire chaud - ou alors cela venait de moi - alors j’utilisai l’air pour rafraîchir l’air. Je mis un peu trop de puissance car nos cheveux s’envolait légèrement au gré du petit souffle artificiel.

« Et sinon, qu‘aimes-tu faire pendant tes temps libres ? »

Après un moment d’hésitation de la part d’Ashe et de moi-même, je finis par parler et j’osai lui proposer d’aller se promener ce soir. C’était lui qui m’en avait donné l’idée et je pensais qu’il avait eut la même. Ou alors il ne s’y attendait vraiment pas. Qu’est-ce qui m’avait fait croire ça ? Le fait qu’il se soit tourné vers en me fixant, l’air de se demander si j’étais sérieuse. Probablement que la teinte rosée de mes joues l’en avait convaincu mais moi, je m’étais empressée de rajouter que je comprendrait s’il refusait de venir et que, s’il venait, je tomberais sûrement à quelques reprises.

Immédiatement après que j’aie parlé, il me répondit.

« Au contraire, j’apprécierai beaucoup. Car cela fait un moment que je me suis pas aérer les idées avec quelqu'un. Et je… je t’offrirai mon bras pour que tu ne tombes pas. Je te le promets. Par contre, il faut éviter que cela s‘ébruite sinon… on pourrait penser que… Tu vois quoi ? »

Il voulait ? Sincèrement ? J’en étais soulagée, croyez-moi. J’avais réussi à me convaincre qu’il refuserait d’avoir à m’endurer plus longtemps, que j’étais une nuisance. Je crois que j’ai toujours été comme ça... Il quoi ? Il m’offrirait son bras pour éviter que je tombe ? À cette idée, le rouge de mes joues augmenta d’un cran alors que moi, je baissais les yeux à cause de la gêne. Il n’y était pas obligé, je n’aurais qu’à me relever, comme je le fais toujours. Mais l’attention me touchait tellement que je n’osais protester.

Je ne compris pas vraiment la dernière partie. De un ) À qui aurais-je pu en parler ? Il était la première personne auprès de qui je m’attardais plus de quelques secondes voire quelques minutes. Mais lui, il devait sûrement connaître plus de gens que moi. Et de deux ) Je ne voyais pas ce que les autres penseraient. Ce n’était pas normal de se promener avec quelqu’un ? Ou alors peut-être que c’était mal de sortir la nuit ? Je cherchais, je me creusais la tête pour trouver à quoi les autres penseraient. Sans succès.

Il continua sur sa lancée.

« On pourrait penser à un rendez-vous galant. Et je pourrais comprendre que tu ne veuilles pas que l‘on pense ça.»

Un... rendez-vous ? Je n’étais pas sortie énormément de chez moi (pas du tout mais bon...) mais je savais bien ce qu’était un rendez-vous. Un rendez-vous, c’état quand deux personnes qui s’aimaient se rencontraient en un lieu ou endroit pour passer du temps ensemble, non ? Et avec lui, ce n’était pas le cas. Enfin, je ne pense pas que ce sois le cas. Je l’aimais bien, oui, parce qu’il m’était aisé d’être avec lui, de converser et tout mais pas dans ce sens-là. J’ignorais ce sens-là...

Un bruit près de la porte me parvint et je tournai la tête pour voir de quoi il s’agissait. Rien. Peut-être seulement le bois qui avait craqué ? Ça arrivait parfois, dans les vieilles bâtisses. « Le vieux bois, c’est comme les vieilles personnes » m’avaient un jour expliquer ma mère quand je lui demandé quelque chose à propos d’un film. « Le bois craque parce qu’il est épuisé du poids qu’il porte sur lui. Comme un gros sac qui pèse lui, tu comprends ? » Ma mère était gentille malgré tout, je l’avais toujours su mais c’était seulement maintenant que je le réalisais pleinement. « Pour ton bien » me disait-elle à chaque fois...

Cette fois, ce ne fut ni un bruit ni ses paroles qui me sortirent de mes pensées. Ce fut un vent, frais et agréable quoi qu’un peu fort qui souleva mes mèches roses et caressa doucement ma peau. Je me tournai vers lui alors qu’il commençait à parler, tentant tant bien que mal d’ignorer mes cheveux qui, portés par le vent, flottait sans mouvement précis. Un moment devant mon visage puis la mèche s’écarte et finit par se faire remplacer par une autre.

« Et sinon, qu‘aimes-tu faire pendant tes temps libres ? »

Mes temps libres... Que dire ? Aussi bien ne pas y réfléchir et la réponse finirait par sortir d’elle-même.

« Et bien... Je lis. Beaucoup. Je lisais aussi chez ma mère mais à force de toujours relire les même, j’ai fini par les connaître par coeur. Alors qu’ici, il y a tant à voir et à lire ! Sinon, quand je ne lis pas, j’explore, tentant de trouver ci ou ça, sans grand succès toutefois. Moi et l’orientation... »

Je désignais la serviette qui reposait sur mes jambes et je repris.

« Aujourd’hui, je cherchais les piscines mais j’ai fini par aboutir ici. Et pitié, ne me dis pas que les piscines sont de l’autre côté de l’Académie ! »

J’eus un sourire amusé. Le fait que je me sois complètement perdue et que les piscines soient directement à côté des dortoirs étaient fortement possibles. J’ignorais où je me trouvais alors savoir comment retourner à chambre allait être compliqué...

Peu après avoir parlé, je me giflai mentalement. Quel fieffé d'idiot de parlé de rendez-vous galant, alors qu'il y avait rien... enfin pour l'instant. Non, non, pensais-je, il n'y aura rien, je ne veux plus faire souffrir ceux que j'aime. Et puis la différence d'âge est sans doute importante. Doux euphémisme. Je ne savais combien années elle avait - et je ne serai pas un gentleman si je le lui demandais -, mais une chose que je tenais pour certaine. C'était les quatre cents ans nous séparant. Le vent crée s'était essouflé et laissait place à une atmosphère plus légère. J'espérais encore une chose, cela était que ma diversion ait marché. À sa réponse, j'ai supposé que oui.

« Et bien... Je lis. Beaucoup. Je lisais aussi chez ma mère mais à force de toujours relire les même, j’ai fini par les connaître par coeur. Alors qu’ici, il y a tant à voir et à lire ! Sinon, quand je ne lis pas, j’explore, tentant de trouver ci ou ça, sans grand succès toutefois. Moi et l’orientation... »

Elle désigna la serviette, d'un geste pour me faire comprendre, qui reposait sur ses jambes. Il est vrai que peu d'Humains savaient s'orienter. Elle repris pour expliquer son aventure matinale.

« Aujourd’hui, je cherchais les piscines mais j’ai fini par aboutir ici. Et pitié, ne me dis pas que les piscines sont de l’autre côté de l’Académie ! »

Je fis un sourire amusé, comme elle. Devait-je le lui dire, ou alors la laisser dans l'ignorance ? Non, ça ne serait pas bien de ne pas lui dire. Et puis fallait que j'éclaircisse mes propos passés. Sinon elle risque de penser que je la colle et jen voudrais pas l'ennuyer plus.

« Et bien je suis navré mais je n'aurais aucune pitié » Je fis une rimace d'un homme sévère qui allait annoncer une mauvaise nouvelle mais j'étais si mauvais à ça que cela donnait une sorte de grimace qu'utilise les bouffon pour faire rire - ce qui en soit était le but. « Les piscines se trouvent au premier niveau- dans le Hall - juste sur la droite et au bout du couloir où vous atterissez, c'est au bout à gauche. »

Je rigolai avec elle. J'enchaîna après sur les raisons de mes phrases. Que je venais d'un temps où les promenades débouchait sur des baisers. Mon visage s'enflamma à cette idée.

« Non que cela risque d'arriver bien entendu. Ah la la, qu'est-ce que je suis en train de dire ? Enfin, pour résumer. C'est que je souhaite que nul ne raconte des ragots sur votre personne. Êtes-vous toujours d'accord pour cette au clair de lune ? »

Certaines personnes savent toujours elles sont et où aller alors que d’autres sont totalement dépourvu de sens de l’orientation. Je fais partie de la dernière catégorie, malheureusement. Je sais parfaitement pourquoi mais quand je tente de trouver mon chemin, mes efforts ne mènent à rien. Malgré tous les désagréments, il y a certains bons points : rencontrer des nouvelles personnes par exemple.

Je lui racontai comment et pourquoi j’étais ici avec un sourire amusé aux lèvres. Mes talents étaient peut-être minime mais je savais en rire au moins. À la blague, je le suppliai de ne pas me dire que les piscines étaient de l’autre côté du bâtiment, du terrain de l’Académie. Résultat ? Soit il m’avait pris au sérieux, soit il se moquait de moi mais peu importe pourquoi il m’avait répondu, il l’avait fait quand même.

« Et bien je suis navré mais je n'aurais aucune pitié »

Son visage, qui affichait jusqu’alors un sourire semblable au mien, prit un air sévère. Ou un semblant de plutôt. Il avait plus l’air de... rien. Du grand n’importe quoi ! Je ne pus m’empêcher d’échapper un petit rire que j’arrêtai aussitôt. Je m’imposai un visage sérieux (plus que le sien en tout cas) mais où perçait mon amusement. Je hochai la tête d’un air grave, pour lui montrer que j’étais prête à encaisser. Il enchaîna.

« Les piscines se trouvent au premier niveau- dans le Hall - juste sur la droite et au bout du couloir où vous atterissez, c'est au bout à gauche. »

J’eus un soupir de déception à moitié sincère puis j’éclatai de rire. Il rigola avec moi. S’il riait de moi, ça ne me dérangeait pas. Je riais à presque chaque chose qu’il disait alors ça ne me vexait pas que parfois, ce soit de moi qu’on riait. Il n’était pas méchant Ashe, juste différent... Et même là, je le trouvais normal.

Oui bon, normal est un bien grand mot. Alors que je me disais ça, il se mit à rougir sans raison apparente. Un autre souvenir peut-être ? Une autre femme qui avait partagée sa vie ? Sa soeur, Kaede... À son âge, il devait... Enfin bon, je divaguais. C’était le genre de chose que j’évitais de penser. Je demandais à quoi il avait penser pour rougir aussi vite...

« Non que cela risque d'arriver bien entendu. Ah la la, qu'est-ce que je suis en train de dire ? Enfin, pour résumer. C'est que je souhaite que nul ne raconte des ragots sur votre personne. Êtes-vous toujours d'accord pour cette au clair de lune ? »

J’étais un peu déroutée par le début mais je compris vite qu’il revenait encore sur le supposé « rendez-vous ». Je savais bien que ce n’en était pas un et c’était l’important non ? Même s’il avait eu l’idée avant moi (probablement), c’était moi qui l’avais proposée. Pourquoi ne voudrai-je plus y aller ? On ne faisait rien de mal après tout.

« Je n’ai toujours pas changé d’avis. Mais tu sembles... incertain. On dirait que tu veux me convaincre de ne pas y aller... Mais je me fais probablement des idées. »

La dernière phrase était un peu comme une question sans en être une. Un supposition qui demandait à être confirmer ou infirmer. J’eus un petit sourire et je continuai.

« Ce que les autres disent de moi m’importe peu. Au pire, ils diront que je suis sortie avec un homme plus vieux que ou un vampire, non ? Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de mal à ça. J’ai 15 ans et je les assume... enfin, j’essaie. Je suis toujours d’accord pour y aller. »

Je me mordis la lèvre pour m’empêcher de parler encore plus. Je sentais que si je continuais, j’allais dire des stupidités. Plusieurs. Je réfléchis un moment et je lâchai, tout bas.

« Toi, tu veux toujours au moins ? »

« Ce que les autres disent de moi m’importe peu. Au pire, ils diront que je suis sortie avec un homme plus vieux que moi ou un vampire, non ? Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de mal à ça. J’ai 15 ans et je les assume... enfin, j’essaie. Je suis toujours d’accord pour y aller. »

Elle avait grandement raison et je me félicitais qu’au moins l’un de nous possédait encore tout sa tête. Elle me demanda ensuite si je souhaite encore et toujours faire cette balade. Et dire que c’était moi qui en avais eu l’idée - certes, c’est elle qui l’avait prononcé en premier mais tout de même.

« Oui, j’en ai toujours envie. C’est que je suis d’une époque, on pourrait presque dire un autre monde qu’on je vois les mœurs d’aujourd’hui où on est libre. Moins enclin à se soucier du regard des autres. Sauf en ce qui concerne l’apparence. Regardez les téléphones, j’en entends parler, il semblerait qu’on puisse parler avec quelqu’un d’autre qui pourrait se trouver… Euh.. Je… je crois que je sors du sujet, je crois. Donc pour revenir à notre histoire, je veux dire que je suis encore coincé avec mes vieilles habitudes. »

Voilà ce qui arrive lorsque votre cerveau surchauffe. On se retrouve à déballer les moindres choses qui se promèneraient dans les songes. Me reconcentrant sur ma chère amie, je préparais cette fois ce que je souhaitais dire. Ce qui la fit malheureusement patienter.

« Donc maintenant que nous avons éclairci ce délicat sujet, attelons-nous à notre petite escapade nocturne. Pour se rendre au lac et profiter de la Cérémonie de la lune, je propose qu’on donne rendez-vous dans le Grand Hall devant la Bibliothèque. De cette manière, vous avez peu de chances de vous perdre, n’est-ce pas ? » Je la taquinais un petit peu et j’ajoutais un petit clin d’œil pour bien lui signifier que j’en pensais pas le moindre mot - à part évidemment l’endroit du rendez-vous. « Prenez un petit en-cas aussi. Vous verrez, c’est magnifique mais qu’est-ce que ça donne faim, vin dieu ! »

Je m’esclaffai énormément, j‘ajoutai même à ce personnage du peuple encore un degré comique me tapant la cuisse de la main. Ceci dit, c’était la vérité, la Cérémonie était quelque peu soutenue. Je ne lui disais évidemment pas ce que cela représentait. Il fallait le découvrir pour mieux se l’approprier et en garder une trace que rien ne pourrait effacer. Ainsi, malgré ma mémoire en trous de fromage, cette réminiscence se trouvait encore à ce jour dans mon cœur.

[J’ai trouvé que ça mais j’ose espérer que ça te plaise. Je pense que tu peux conclure, je te laisse carte blanche avec mon personnage.]

Et s’il ne voulait plus y aller ? C’était peut-être à cause de ça qu’il me demandait si je voulais toujours y aller ? C’était peut-être à cause de ça que j’avais l’impression qu’il voulait me décourager ? Peut-être qu’il trouvait ça inconvenant d’aller marcher au clair de lune vu l’époque dont il venait ? Peut-être qu’il avait accepter seulement pour être gentil avec moi ? Peut-être qu’au fond, je l’embêtais et il attendait seulement que je parte ? Peut-être que...

« Oui, j’en ai toujours envie. C’est que je suis d’une époque, on pourrait presque dire un autre monde qu’on je vois les mœurs d’aujourd’hui où on est libre. Moins enclin à se soucier du regard des autres. Sauf en ce qui concerne l’apparence. Regardez les téléphones, j’en entends parler, il semblerait qu’on puisse parler avec quelqu’un d’autre qui pourrait se trouver… Euh.. Je… je crois que je sors du sujet, je crois. Donc pour revenir à notre histoire, je veux dire que je suis encore coincé avec mes vieilles habitudes. »

Fiou, je m’étais inquiétée pour rien. Il était toujours d’accord. Et j’avais eu raison en pensant que « son époque » faisait en sorte que la marche prenait un peu un autre sens. Je pouvais comprendre ses hésitations mais vraiment le truc du téléphone. Ça faisait un bail que ç’avait été inventé et je croyais que tout le monde s’y était habitué mais apparemment non. Peut-être qu’il n’en avait pas chez lui ? À moins qu’il n’ait pas de chez lui ? Ça serait tellement triste pour lui. C’est sûrement pour ça qu’il était revenu ici, pour se sentir chez lui.

Je ne brisai pas le silence qui s’installa. En fait, j’en profitai pour l’observer, pour tenter de percer un mystère ou deux. Ou alors c’était simplement pour le plaisir de le détailler. On ne pouvait pas dire qu’il était laid, loin de là. Il avait une sorte de beauté... je sais pas, j’aurais dit froide mais non, ça ne le représentait pas. Il n’était comme ça. Il était trop doux, trop gentil pour être comme ça.

« Donc maintenant que nous avons éclairci ce délicat sujet, attelons-nous à notre petite escapade nocturne. Pour se rendre au lac et profiter de la Cérémonie de la lune, je propose qu’on donne rendez-vous dans le Grand Hall devant la Bibliothèque. De cette manière, vous avez peu de chances de vous perdre, n’est-ce pas ? »

J’avais l’impression d’entendre parler un guide qui offrait une visite de nuit, c’était bizarre. Surtout qu’il s’était remis au vouvoiement d’un coup. Mais le guide disparut un moment pour laisser place à un note d’humour. Me perdre ? Moi ? Mais où allait-il chercher ça ? Ce n’était pas du tout mon genre... Bon, oui, ça l’était.

« Prenez un petit en-cas aussi. Vous verrez, c’est magnifique mais qu’est-ce que ça donne faim, vin dieu ! »

Le guide était de retour mais, encore une fois, pour un court moment seulement. Après les derniers mots (les plus expressif de cette fois-ci), il s’esclaffa de manière presque exagérée, allant même jusqu’à se taper sur la cuisse. Je ne voyais pas vraiment ce qu’il y avait de si drôle mais son rire me fit rire. C’était bête comme tout mais qu’est-ce que vous voulez, rire c’est contagieux. Je repris mon sérieux en peu de temps et regardai par la fenêtre pour voir combien de temps avait passé. Le soleil était déjà bas. J’avais pourtant l’impression d’être arrivée ici il avait cinq minutes à peine !

- Bon, je crois que je vais aller me changer. Je reviens tout de suite.

Je me levai, lui fis un dernier sourire et partis me changer pour enfiler ma robe. Bon, j’eus quelques problèmes à retrouver mes choses mais j’y parvins et cinq minutes plus tard, j’étais de retour dans le dojo avec lui. J’avais bien sûr déposé les vêtements que j’avais utilisés et la serviette dans la bac de linge sale qui se trouvait dans le vestiaires.

Je m’approchai d’Ashe en jouant avec un bout de ma robe, me sentant étrangement mal à l’aise face à lui. C’était comme si en mettant des vêtements autres que ma robe, je n’étais plus vraiment moi-même. C’était comme si en étant ma robe fétiche, je devenais plus réservée, plus gênée face à lui. Mais c’était sûrement dans ma tête. Je restai debout devant lui et lui demandai d’une toute petite voix :

- Tu voudrais m’aider à me rendre jusqu’au Hall ? C’est que je ne voudrais pas me perde à nouveau...

Il accepta, le contraire m’aurait étonné en vérité mais je ne m’étais faite aucune attente. Je le suivis de près jusqu’au Hall. Je remarquai qu’il marchait assurance, sachant parfaitement où il allait. À force de croiser des couloirs et des portes, je me sentis perdue et compris d’un coup comment j’avais fait pour atterrir au dojo au lieu d’être aux piscines. Il y en avait trop : trop de portes, de couloirs, de coins et de salles. Trop de directions pour moi qui avait vécu dans la même maison toute ma vie. Tous les autre élèves savaient où aller dès leur arrivée mais moi, je me perdais. Pour moi, c’était comme me promener les yeux fermés dans un lieu inconnu mais avec les yeux ouverts. Je lâchai un soupir silencieux puis me souvins qu’il entendait bien mieux que moi. Il me jeta un coup et je secouai la tête pour lui faire comprendre que ce n’était rien. On continua d’avancer.

Une fois dans le Hall, je le remerciai et me dirigeai vers les dortoirs. Ça, je savais où c’était. Je ne me perdis même pas en chemin ! Dès que j’arrivai devant la porte de ma chambre, je sortis ma clef d’une poche cachée de ma robe et entrai dans mon petit chez moi. On aurait pu croire que tout serait impec’ mais on voyait clairement que quelqu’un vivait ici. Que JE vivais ici. Une pile de livre, du papier et des crayons, un ou deux vêtements qui traînaient... Tout était parfait à mon avis.

Je m’activai dès que je fus rentrée. Je pris ma douche puis j’enfilai des vêtements plus adaptés à la promenade qu’une robe : Un jean ajusté (le seul que je possède), un T-shirt blanc (tout aussi ajusté et, pour la couleur, je n’ai que ça...) et ma veste noire dont deux pointes de tissus me descendent jusqu’au milieu des cuisses. J’observai le résultat et souris. J’avais l’air normale ! Enfin, normale avec des cheveux roses. En parlant d’eux, je les attachai en deux couettes basses et laissai ma frange libre. Je fouillai dans ma chambre pour me trouver un petit sac à dos puis, une fois l’objectif de me trouver à manger accompli et ma clef enfilée sur une chaîne autour de mon cou, je me laissai tomber sur mon lit pour souffler un peu. Je passai cinq minutes, la tête dans mon oreiller, à relaxer, à ne rien faire. Au bout de ces cinq minutes, je me remis debout et regarder le soleil qui se couchait. D’ici à ce que j’arrive au Hall, il allait certainement avoir la couleur du sang. Je souris à cette pensée puis je me dirigeai vers notre lieu de rencontre. En y allant, je me perdis dans mes pensées en jouant avec ma clef qui pendait au bout de ma chaine.

Une clef représente une possibilité. Une porte qu’on peut ouvrir ou fermer aux autres. Une clef, c’est le pouvoir de choisir. Un clef, c’est les décisions de toute une vie. Une clef... c’est libérateur...

J’en étais là quand j’aperçus Ashe qui m’attendait. Je lui souris et m’approchai, les mains dans mes poches arrières.

- Je te suis.

À la fin de ma tirade caricaturale, j’eus peur d’avoir été un peu trop burlesque. Mais ma petite tirade eut tout de même l’effet escompté, car la jeune fille se mit à rire. Que vous soyez ridicule ou non, le rire était communicatif, que voulez-vous ? On se laissait doucement bercé par le rire qui résonnait dans la pièce pendant un moment. Puis Naomi se reprit assez vite et tourna la tête vers la petite lucarne et fut surprise de voir ce qu’il y avait dehors. Curieux de savoir ce qui intriguait la petite Nao [c’est affectueux], je cherchai du regard et je vis le soleil qui baissait pour laisser place au crépuscule. J’étais persuadé que depuis notre rencontre, il ne s’était écoulé que deux heures seulement ! Durant ma retraite dans les montagnes, j’appris plus ou moins l’écoulement de la journée, mais avec elle, j’étais absolument incapable d’estimer correctement.

- Bon, je crois que je vais aller me changer. Je reviens tout de suite.

Elle se leva promptement en faisant un doux sourire et se dirigea vers les vestiaires. En son absence, je réfléchissais. Eh, oui, je réfléchis beaucoup, voire trop. Ce qui faisait que j’étais un peu déconnecté du monde. Peut-être qu’avant, j’étais plus… actif. Je profitai de son absence pour ranger nos serviettes dans le bac situé un peu à l’entrée du Dojo - il y en avait un peu partout dans le vestiaires et ici pour éviter que les serviettes soient partout par terre. Ce qui me prit en gros trente secondes. Le reste du temps qui restait avant que la jeune fille ne revienne, je me mis à effectuer quelques mouvements pour éviter de rouiller pour ce soir. Naomi revint quelque minute plus tard.

Naomi s’approcha de moi, visiblement très mal à l’aise, jouant avec sa robe. Pourquoi était-elle donc si mal à l’aise ? Lorsqu’elle était assise à côté de moi, de surcroît habillée en tenue de sport, elle était plus sûre d’elle. Prenant sans doute son courage à deux mains, elle me demanda d’une voix presque éteinte :

- Tu voudrais m’aider à me rendre jusqu’au Hall ? C’est que je ne voudrais pas me perde à nouveau...

Je hochais la tête de suite, le contraire m’était révulsant. J’avançai en veillant qu’elle reste près de moi, m’assurant qu’elle ne se perde pas encore. La marche à travers l’Academy se passait sans encombre, en passant à travers les couloirs. À chaque croisement, je choisissais le bon chemin, sachant quelle direction prendre. Cela était inné pour moi. Je me souvenais du plan, l’ayant emprunté pendant des années avant mon exil. Me rappelant certains détails qui avait disparus - ce mur avait des fissures tout le long, etc… -, j’étais emprunt de nostalgie. C’est alors que j’entendis ma camarade pousser un log soupir silencieux - enfin silencieux pour les autres personnes. Je m’arrêtais et la regardais, voulant m’enquérir de son état, mais elle secoua mollement la tête pour me signifier qu’il n’y avait rien. Rien que je pouvais faire. Je repris le chemin pour enfin atterrir dans le Hall. Le silence tendu et gêné l’avait rendu infiniment plus long qu’il ne le serait en réalité.

Elle prit congé de moi, me remerciant de l’avoir guidé à travers ce labyrinthe. Je la suivais de yeux jusqu’à qu’elle entre dans les couloirs qui la mènerait à sa douce chambre. Quant à moi, je me dirigeais vers mes froids appartements. Il était vrai que les quartiers de la Cross Guard rendaient l’ambiance terriblement opprimante. Peut-être qu’un jour, je nettoierai les lieux et les souvenirs ancrés ici et là. Rompant avec mes « joyeuses » pensées, j’ouvris la porte et remarquais la présence de Yoruichi. Elle me laissa tranquille, à part peut-être de me lancer un : « Bonne promenade et évite de mordre. » Je l’ignorai proprement ce qui la mettais dans tous ces états. Retournant à mon projet nocturne, je les séparai pour les analyser. La tenue ? Je mettrais ma tenue habituelle. La nourriture ? Je pense emmener une boisson rafraîchissante et quelque fruits pour la restauration même si elle a aussi prévu de son côté. On n’est jamais trop prudent, n’est-ce-pas ? Mis à part ces deux détails, il restait la Cérémonie de la lune. Quant on la voyait, on jurerai qu’elle appartiendrait plus aux anges qu’aux êtres de la nuit, tant sa puretés incroyable. Peut-être est-ce dû aux reste humains dans chaque vampires. Je faisais les cent pas dans mes appartements - on est chef ou on ne l’est pas - retraçant virtuellement la procédure pour exécuter la Cérémonie. On verra bien sur place et puis on contemplera surtout la lune.

Sur l’avertissement de Yoruichi, je fixai l’heure et constatai avec horreur qu’il ne me restait plus beaucoup de temps pour arriver à l’heure au rendez-vous. Enfin à l’heure, je veux un quart d’heure avant, une des règles majeures de la galanterie. J’emportais énergiquement les petites provisions et marchai d’un bon rythme à travers les souterrains. À croire que ceux qui ont installé les quartiers des Gardiens voulaient à tout prix cacher leur existence. Quoi qu’il en soit, en moins de temps qu’il faut pour le dire, je me trouvais aux pieds des marches de l’escalier de marbre dans le Hall.

Il semblait que le temps rechignait à passer, et le ciel prit une magnifique couleur écarlate. Ben tiens, même le ciel me rappelle ma condition d’immortel. Remarque d’ici à ce qu’on arrive, il prendra un belle teinte sombre - je ne souffrirais pas des rayons solaires. Lorsque soudain, j’aperçu ma camarade de promenade. Elle était sobrement vêtu, d’un jean tout aussi ajusté que l’était sa tenue de sport. Ainsi qu’un t-shirt d’une blancheur immaculée. Elle s’approcha de moi, d’un pas tranquille, les mains dans le poches arrières. Ce qui lui donnait une expression fière et sûre d’elle.

- Je te suis.

- Eh bien, allons-y. Par ici, je vous prie.

C'est ainsi que se termine cette rencontre extraordinaire (et très longue, j'ai du mal à croire qu'on a tenu aussi longtemps). Merci pour nous avoir suivi. Cependant, tout n'est pas encore terminé, Naomi a accepté de suivre Ashe au lac pour contempler la lune et assister à cette fameuse "Cérémonie". Mais qu'est-ce donc tout ceci ? Vous le découvrirez bientôt au LAc.