Récolte nocture [PV Keito]

La nuit est tombée depuis déjà un bon bout de temps sur l'Academy. Le noir d'encre du ciel est ponctué cà et là d'étoiles et d'une lune presque pleine. Bientôt, des humains à l'apparence bien ordinaire prêteront leur corps à une bête surpuissante qui elle se mettra en chasse de petites filles insomniaques et trop curieuses, et les chasseurs de loup-garoup voudront à tout prix attraper un de ceux-là afin de passer à l'histoire... La cime des pins, des chênes, des érables se balancent à un rythme régulier, jouant habilement avec la brise maritime qui se montre un peu turbulante. Les bruits que produisent les feuillages s'efflurant créent une mélodie enveloppante et surnaturelle. Un hibou, perché sur une haute branche, regarde le sol avec un air protecteur, en son rôle de sage de la forêt. Les bêtes diurnes se sont réfugiées dans leur terrier, à l'abri de leurs prédateurs, tout aussi féroces que nombreux. Seuls quelques loups s'aventurent à travers ombres et pénombre, dans une herbe bien grasse et dense, à la recherche d'une bonne collation de minuit.

Une silhouette apparaît soudainement, au bout du chemin qui mène au lac, à cette heure argenté et lisse comme un vaste miroir. Habillée de noir de la tête aux pieds et vêtue d'une longue capuche masquant son visage, elle marchait d'un pas discret et souple, tel un assasin qui pénètre dans un palais jalousement gardé pour aller liquider le maître des lieux. Est-ce qu'un meutre se profile dans la tête de l'inconnu nocturne? Certe non, le voilà qui grimpe dans un arbre, exécutant des mouvements continus et appris consientieusment pendant le jour sur le mur de la salle d'entraînement. Arrivé à une bonne hauteur, il se faufile sur une branche et tend le bras...

Aïeuuuh. Finalement, la pomme que je voulais n'étais pas si proche de moi et de mon bras que je ne le croyais. Pourtant, elle avait l'air si attrayante, si bonne à croquer. Rouge pur, ronde comme il faut, elle aurait même pu être un mannequin dans une revue de cuisine. Saletés de branches placées au mauvais endroit, je vous emmerde...

Péniblement, je me relevai de l'endroit où avait eu lieu ma brutale chute. Mes membres en entier, surtout ma jambe gauche, me faisaient souffir. Bonjour les bleus, demain! Il ne me restait qu'à espérer que personne, surtout pas un membre du corps professoral, me demande leur source. J'avais la vague impression que "je suis tombée dans la douche hier" ne serait pas suffisant, cette fois-ci. J'enleva le tissu sombre qui me gênait la vision pour chercher des yeux une éventuelle sentinelle, même si je doutais qu'il n'y en ait pas en fonction cette nuit-là. Aucune trace d'un élève qui serait accouru. Rassurée mais aussi intriguée que personne n'eut entendu le vacarme que j'avais malencontreusement créé, j'haussa les épaules. C'était peu être un de ces jours chanceux. Je parvins à esquisser un sourire. Je pourrai faire un autre essai, et restituer ma réserve qui s'épuisait peu à peu.

Une prise, deux prise, mon pied sur une écorce. J'aimais tellement pouvoir grimper aux hauts pommiers, chose que je ne pouvais faire au Centre de recherche, sous peine d'être punie et de ne pas voir Zu pendant une à cinq semaines. Les scientifiques avaient bien vu que je ne pouvais pas me passer de lui, c'était quasiment mon frère jumeau... Arrivée en haut, je pris la première pomme que je vis et la glissa dans mon sac. Même chose pour les dizaines d'autres. Bientôt, je ne parvins plus à les mettre dans ma réserve. Il était donc temps pour moi de rentrer. En surcoît, le jour commencerait à se lever dans une ou deux heures. Les surveillants du dortoir passaient à cette heure là dans toute les chambres pour s'assurer que personne ne faisait le mur. Méthode très efficace... si on se contentait de suivre les règlements.

Soudain, un bruit attira mon attention. Presque inaudible tant il était loin de l'endroit où je faisais ma récolte de la semaine, mais qui ne pouvait être créé par un animal quelconque. C'était un humain, ou du moins une créature que l'on retrouvait parmi la liste des élèves et professeurs de l'Academy. Mon coeur commenca à battre un peu plus fort, je sentais ses battements effrénés jusque dans le bout de mes oreilles. Si on me prenait dehors à cette heure là, en plus du couvre-feu sévère qu'Ashe avait instauré pour une raison mystérieuse et surtout inconnue de tous. Désireuse de ne pas me faire voir par le nouveau venu, je profitai des quelques secondes qui me restaient, je me hissa dans les dernières branches du sommet et tenta le plus possible de ne pas trop me faire voir. Promesse pour le lendemain, si j'aurais eu assez de chance pour ne pas me faire expulser: demander aux profs des techniques de camouflages. On ne pouvait jamais savoir quand ça pourrait nous servir, non?